Selon des informations dignes de foi parvenues mardi tard dans la soirée à notre rédaction, nous avons appris que les trois défenseurs des droits de l’homme et les trois étudiants arrêtés dimanche par les services spéciaux de la police ont été relâchés hier. Les six personnes avaient été interpellées dimanche alors qu’elles participaient à une conférence de presse organisée à Kinshasa par des ONG de défense des droits de l’homme à l’occasion de la rentrée parlementaire du mois de mars et pour exiger la fin des pressions sur les membres du bureau de l’Assemblée nationale poussés à la démission par leurs partis et plates-formes politiques. L’arrestation des trois défenseurs des droits de l’homme et de leurs compagnons d’infortune avait évidemment suscité une vive émotion au sein de l’opinion nationale troublée de ce retour aux pratiques décriées de la II ème République, ainsi que dans les chancelleries et les capitales des principaux partenaires de la RDC. A l’exemple, notamment, de la Belgique, dont le Vice-premier ministre et ministre des Affaires Etrangères, Karel De Gucht, s’est fendu mardi d’un communiqué ferme et sans équivoque.
Des questions qui dérangent Dans ce communiqué, Karel De Gucht déclare « avoir appris avec regret l’arrestation à Kinshasa le 15 mars de trois défenseurs des droits de l’homme et de trois étudiants. Ces arrestations ont eu lieu alors que les intéressés préparaient une manifestation devant le Parlement pour défendre la séparation des pouvoirs et promouvoir le respect des procédures parlementaires ». Le communiqué poursuit que le ministre De Gucht « attache la plus grande importance à la protection des défenseurs des droits de l’homme et au respect constitutionnel de la liberté d’expression indispensable au fonctionnement de la démocratie ». En conclusion, « il appelle les autorités congolaises à clarifier les charges qui seraient à la base de ces arrestations ou à libérer sans délai les intéressés ». Alors que Kinshasa se trouvait en pleine tourmente du fait de la crise à la tête de l’Assemblée nationale et des déchirements au sein de la famille politique du chef de l’Etat, ces arrestations survenaient ainsi à un très mauvais moment, confirmant l’image d’intolérance politique et de violation massive des droits de l’homme récemment décriée par le département d’Etat américain dans son rapport 2008 sur le respect des droits de l’homme dans le monde. De ce point de vue, la relaxation des défenseurs des droits de l’homme arrêtés dimanche constitue sans aucun doute une victoire pour ces derniers, ainsi que pour tous ceux qui, ici au pays et ailleurs dans le monde, se sont joints à la campagne en faveur de leur libération. Pour autant, ce dénouement soulève aux yeux des observateurs avertis plus de questions qu’il ne permet d’évacuer les inquiétudes dans le chef des Congolais. La première question est celle de savoir pourquoi les défenseurs des droits de l’homme ont été arrêtés, par qui et pour quelle rentabilité politique. On retient en effet des différents comptes rendus et prises de position que ce coup de force des services spéciaux était destiné à empêcher l’organisation de la marche prévue par les ONG de défense des droits de l’homme lundi devant le Parlement. En d’autres termes, c’est donc l’exercice du droit à la libre opinion qui était visé, donnant ainsi, une fois de plus, une bien détestable image de la démocratie congolaise. La deuxième question est celle de savoir combien d’autres Congolais - simples militants de la cause démocratique, défenseurs anonymes des libertés individuelles et collectives, syndicalistes, opposants ou journalistes - croupissent dans les geôles du pouvoir, victimes de leur attachement à la cause de la liberté. Combien ont-ils été arrêtés et maltraités sans mandat, combien ont été des victimes d’exécutions extrajudiciaires ? Dans un cas comme dans l’autre, force est de se rendre à l’évidence : le scandale est indiscutable. Un scandale qui soulève dramatiquement la question de savoir dans quel type de démocratie la RDC évolue-t-elle finalement et si les Congolais peuvent continuer à s’accommoder de ces dérives qui sont une insulte permanente à l’humanité, ou encore à faire confiance à des autorités qui prônent la démocratie du bout des lèvres tout en soutenant et en encourageant, en pratique, les violations massives des droits de l’homme dans leur pays.
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