Le Phare
Les habitués de la toile sont intrigués, depuis le 12 février 2009, par l’affichage, sur le site Web du CNDP (Conseil National pour la Défense du Peuple), d’un communiqué annonçant la cessation des poursuites judiciaires contre le président national de cet ex-mouvement rebelle présentement transformé en parti politique. Selon la direction politique du CNDP, qui s’appuie sur une correspondance attribuée au ministre congolais de la Justice, datée du 09 février 2009 et portant les références Réf. N°0226/JPM 284/D/CAB/Min/J/2009. Dans cette lettre qui serait adressée à son homologue de la Coopération Internationale et Régionale, il est dit que la procédure judiciaire engagée contre le précité serait désormais sans objet. Le CNDP, comme pour dissiper le doute dans les esprits, donne même quelques extraits significatifs. On lit notamment que Luzolo Bambi Lessa aurait informé Raymond Tshibanda de « l’engagement du gouvernement d’accorder l’amnistie aux membres des groupes armés ayant opéré au Nord-Kivu et au Sud-Kivu, notamment le CNDP, pour consolider la paix et assurer la concorde nationale… En attendant l’adoption et la promulgation de cette loi d’amnistie, j’instruis Monsieur le Procureur Général de la République et Monsieur l’Auditeur Général des FARDC qui me lisent en copie de ne pas engager des poursuites contre les membres desdits groupes armés et d’arrêter celles déjà initiées… ».
Les partisans de Laurent Nkunda s’accrochent à cette incise pour estimer que leur « Chairman » est parfaitement éligible à l’amnistie et qu’il figure au nombre de rares officiers et soldats des ex-groupes armés du Nord et du Sud-Kivu actuellement poursuivis par la justice militaire. Extradition illégale ? Considérant que le gouvernement congolais vient de décréter lui-même un non-lieu qui ne dit pas son nom, le CNDP réclame déjà, à cor et à cri, la relaxation immédiate de Laurent Nkunda. En conséquence, pense cette formation politique, Kinshasa devrait sans tarder renoncer à la procédure d’extradition du général déchu, au risque qu’un tel acte ne soit qualifié d’illégal et de contraire à l’esprit et à la lettre de la décision du ministre de la Justice. S’agissant de l’arrestation de Nkunda et de sa mise en résidence surveillée à Gisenyi, depuis le 22 janvier 2009, le CNDP soutient que son « Chairman » avait voyagé pour le Rwanda à « l’invitation » des hommes au pouvoir à Kigali. Il qualifie d’ « obscurs » les mobiles ayant motivé son arrestation et la demande d’extradition introduite par le gouvernement congolais auprès de son homologue rwandais. A en croire l’analyse du CNDP, le mandat d’arrêt lancé en 2004 par l’Auditeur Général des FARDC contre le général Laurent Nkunda, au lendemain des événements de juin de la même année à Bukavu, aurait expiré trois mois après, d’abord pour n’avoir pas été exécuté, ensuite pour n’avoir jamais été renouvelé. Les autorités doivent réagir Compte tenu des faits allégués par le CNDP, faits par ailleurs placés sur la toile depuis le 12 février et donc disponibles pour tous les internautes aussi bien nationaux qu’étrangers, Le Phare a cru de son devoir d’obtenir un éclairage de la part des autorités congolaises. Mais les tentatives de vérification auprès du cabinet de la Coopération Internationale et Régionale n’ont produit aucun résultat. C’est le silence radio. Et pourtant, il est important que les responsables concernés s’expriment, qu’ils confirment ou dénoncent l’existence de la lettre dont les références se trouvent affichées sur le site web du CNDP. Ou qu’ils en relativisent la portée au cas où les fidèles de Nkunda en auraient déformé le contenu. Ainsi donc, au cas où les références de la lettre seraient le fruit d’une imagination fertile, la solution ne devrait pas être de garder un silence radio en partant du principe selon lequel on répond aux imbéciles par le silence. La communication, il est temps de le rappeler, a horreur du vide car celui-ci est toujours comblé par des rumeurs de tous genres et dont chacun connaît les conséquences souvent néfastes. La balle est donc dans le camp des ministres concernés. Faut-il laisser le CNDP poursuivre son travail de sape ou s’engager à rendre compte à l’opinion publique congolaise qui a, elle aussi, le droit de savoir ce qui se passe. Par ailleurs, il est temps que l’on sache avec précision ce qui se passe au sein du CNDP car il n’est pas normal que d’un côté, il affirme partager le point de vue de Kinshasa dans le traitement de la question de l’Est et de l’autre, il adopte des attitudes frondeuses qui mettent à mal la nouvelle unité d’action. Le moment est également venu de s’interroger sur une politique de communication qui continue de privilégier l’affrontement là où on était en droit d’attendre des propos apaisés. Affaire à suivre.