lundi 16 mars 2009

Désintégration progressive d’un pays

(Jean N’Saka wa N’Saka, Journaliste indépendant)

Alors que l’opinion nationale à Kinshasa était toujours tenue en haleine avec ce qu’on peut appeler l’équation Vital Kamerhe, la voilà encore brusquement troublée mercredi 04 mars par une nouvelle affligeante et déconcertante d’une série noire de désintégration du pays qui continue du Sud à l’Est, et vice-versa. Certains quotidiens de Kinshasa annonçaient à la Une que l’Angola venait d’occuper militairement des parties de Mbanza-Ngungu dans la province du Bas-Congo, et ce depuis le samedi 28 février. Les médias étrangers qui ont été les premiers à se faire l’écho de cette nouvelle, ont parlé de l’occupation d’un rayon d’environ 50 kilomètres comprenant des localités de Sava Ina et Kuzi. L’armée occupante a déchiré le drapeau congolais et hissé les couleurs angolaises. Les agents administratifs locaux et les villageois ont été chassés du périmètre occupé et interdit d’un remettre les pieds. Les autorités locales et provinciales en auraient fait des rapports au pouvoir central qui leur aurait répondu d’attendre. Après Kahemba dans la province du Bandundu, c’est Mbanza-Ngungu au Bas-Congo. La méthode d’occupation est la même. Un contingent entre sans rencontrer la moindre résistance et se comporte comme en territoire conquis. Cette fois-ci l’Angola a choisi le moment très délicat où il y a de l’agitation dans les sphères officielles de l’Assemblée nationale avec son président en tête comme cible, cela en marge de l’arrivée des troupes rwandaises au Kivu. Quant on sait que les recommandations pertinentes faites par l’Assemblée nationale concernant l’occupation de Kahemba alors que le parlement et le gouvernement étaient apparemment en bons termes, sont restées lettre morte jusqu’ici, on ne peut pas s’imaginer qu’il en serait autrement pour le cas de Mbanza-Ngungu qui survient au moment où les deux institutions sont pratiquement en rupture d’équilibre de leurs rapports, brouillées par une affaire analogue de souveraineté nationale au Nord-Kivu.

La violation de l’intégrité territoriale de la RDC par certains de ses voisins de l’Est et du Sud, est devenue comme un jeu d’enfant qui ne semble pas émouvoir le gouvernement comme s’il y avait des accords secrets sous-tendant ces travaux d’approche dont la finalité serait de mettre les Congolais devant le fait accompli. Toute tendance à l’absolutisme enclin à la conclusion des traités louches favorisant la mise en solde de la souveraineté nationale ne peut être contrariée que par les parlementaires. Mais si les représentants du peuple se sentent constamment astreints à une discipline contraignante d’attachement strict à la ligne du parti de leur appartenance, ils ne peuvent pas s’exprimer librement et jouer pleinement leur rôle. Cet asservissement politique des élus devient de plus en plus manifeste. La démission forcée du bureau de l’Assemblée nationale à cause d’un déviationnisme fantaisiste prêté à son président Vital Kamerhe, en est la preuve. Une politique d’intimidation pour mettre les parlementaires en garde contre toute audace de vouloir critiquer ou de mettre en question les faits de prince en RDC. Une situation complexe Certaines sphères officielles et des propagandistes politiques à leur solde ont fait beaucoup de tapage autour d’une paix fantôme que les opérations combinées FARDC-APR auraient ramené au Nord-Kivu après la chasse aux FDLR. A force d’inventer des histoires, le cerveau est fatigué et l’imagination tarit. Un seul foyer de troubles dubitativement calmé ne peut pas être un motif de fierté, quand il y a d’autres brasiers inquiétants qui restent toujours intacts et traumatisants pour la population locale. Cette paix ramenée au Nord-Kivu n’a pas balayé la présence terrifiante des Mbororo dans la province orientale, des rebelles de la LRA, des 6.197 éléments FDLR qui n’ont pas été maîtrisés, des forces occupantes des parties du territoire de Kahemba, sans parler de Mbanza-Ngungu qui vient de s’y ajouter. De larges lambeaux de terre qui se détachent si facilement du territoire national et échappent totalement au contrôle des institutions locales, provinciales et nationales, sont des signes avant-coureurs de la balkanisation du pays. Leur récupération s’avère d’ores et déjà incertaine tant que l’environnement politique qui favorise ces manœuvres restera toujours inchangé. Les analystes politiques et les observateurs sont en train de s’interroger sur le bien-fondé des rapports de bon voisinage que la RDC prétend entretenir avec certains pays de l’Est et du Sud. Ces rapports ne paraissent pas équitables et équilibrés, ni reposer sur l’estime réciproque. Ils sont émaillés d’accords brumaux dont les voisins tirent avantage au détriment de la RDC. L’Ouganda, le Rwanda, et l’Angola peuvent pénétrer à l’intérieur de leur voisin et s’y permettre tout comme en territoire conquis ; Ils chassent et font souffrir la population locale. Ils font descendre et déchirent le drapeau congolais, et hissent leurs couleurs nationales. Ils exploitent des ressources minérales et des gisements pétrolifères. Ils installent des colonies de peuplement. En RDC le principe serait de « laisser faire et laisser passer sans rien dire ». Ceux qui sont qualifiés pour relever le défi en vertu du mandat reçu du peuple, ou des dispositions constitutionnelles qui leur garantissent la liberté d’expression pour défendre le pays et la cause du peuple, n’ont pas le courage de prendre des risques. Quiconque ose élever la voix s’attire les foudres des courtisans du sérail. La balkanisation d’un pays a toujours été la résultante d’une série de manœuvre sournoises comme celles dont la RDC est actuellement victime, de l’Est au Sud. La situation devient de plus en plus complexe quand il y a la fracture sociale d’une part, et d’autre part la zizanie au sein des institutions dont les animateurs ne voient pas les choses de la même façon selon qu’ils sont patriotes ou de mèche avec des agents de la cinquième colonne. Dans une société en décadence où l’intimidation et la trahison se combinent, le salut ne peut venir que d’un noyau providentiel qui découvre un leadership politique courageux et catalyseur pour lui montrer le chemin et l’aider à renverser les tabous et les barrières du système oppressif des consciences. Des lamentations et des récriminations sporadiques se limitent à faire entendre le comble des cris de détresse des opprimés, mais elles ne peuvent pas stopper le rouleau compresseur qui avance avec fureur pour écraser toute résistance. Il n’y a qu’un noyau téméraire pour courir ce risque.

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