Le Phare, Kinshasa
Des soldats angolais, avec armes et bagages, ont traversé la frontière commune samedi dernier pour se positionner dans le territoire de Mbanza-Ngungu, dans la province du Bas-Congo, à plus ou moins 250 Km de Kinshasa. Selon plusieurs sources concordantes contactées par Le Phare, le tout est parti du survol, par un hélicoptère de l’armée angolaise, de la localité de Gombe-Sud. Villageois et villageoises, croyant à une ballade aérienne sans conséquence, étaient surpris de voir, quelques heures plus tard, des éléments de l’armée angolaise occuper tranquillement le coin, sur un rayon d’environ une cinquantaine de kilomètres.Naturellement, les portables mobiles ont été mis à contribution pour alerter les autorités provinciales, à Matadi. Ici, soutiennent nos sources, l’Assemblée Provinciale et le Gouvernement provincial ont décidé la tenue illico d’une réunion de sécurité. Un seul constat a été fait par les participants : une partie du territoire du Bas-Congo était militairement occupée par l’armée angolaise, sans raison apparente.
Les autorités civiles et militaires provinciales étaient sur le point de dénoncer, dans les médias, ce qui avait tout l’air d’une agression venue de l’extérieur. Il semble que leur initiative aurait été décommandée à partir de Kinshasa, où on leur aurait conseillé de ne pas agir dans la précipitation. A en croire les mêmes sources, un rapport circonstancié a été envoyé à Kinshasa, et plus précisément au ministère de l’Intérieur et de la Sécurité. On laisse entendre que des décideurs positionnés à Kinshasa auraient promis de réagir dans les meilleurs délais. Il se fait que depuis samedi, c’est le silence-radio. En conséquence, la population du Bas-Congo commence à se poser des questions au sujet d’une invasion qui ne dit pas son nom. Accord secret avec Kinshasa ? Cela fait cinq jours que le gouvernement de Kinshasa ne dit mot à propos de l’occupation militaire du territoire de Mbanza-Ngungu par l’armée angolaise. Au Bas-Congo, l’opinion se demande de plus en plus s’il existerait, entre Kinshasa et Luanda, un accord secret relatif à la présence militaire angolaise dans cette partie de cette province. De mémoire des Ne Kongo, la rébellion de Jonas Savimbi a été anéantie de longue date et ses résidus intégrés dans l’armée d’Eduardo Dos Santos. En principe, aucun prétexte sécuritaire ne pourrait justifier la violation de l’intégrité du territoire national, comme c’était du reste le cas à Kahemba. Se souvenant avec amertume de ce qui s’était passé dans ce territoire du Bandungu, les ressortissants du Bas-Congo craignent d’apprendre, un de ces quatre matins que le territoire de Mbanza-Ngungu serait une propriété de l’Angola. Ce qui serait un authentique scandale. En tous les cas, ils aimeraient savoir pourquoi les soldats angolais ont traversé la frontière commune et surtout, pour quelles raisons, ils continuent de camper, depuis 5 jours, sur les positions occupées. Fâcheux précédent de Katakangu Les filles et fils du Bas-Congo se rappellent aussi, avec douleur, que vers la fin de l’année dernière, des soldats angolais avaient envahi le village de Katakangu, dans le territoire de Lukula, à la frontière entre la République Démocratique du Congo et le Cabinda. Sous prétexte de pourchasser des rebelles du FLEC (Front de Libération de l’Enclave de Cabinda), ils avaient massacré des innocents, violés des femmes et des filles, pillé champs et cases, laissant derrière eux un océan de larmes et un concert de lamentations. Le gouverneur du Bas-Congo, Floribert Mbatshi Batshia, avait dû improviser une visite de réconfort à ces concitoyens agressés gratuitement, et mis la main à la poche pour aider, tant soit peu, à la réparation des dégâts humains et matériels. La réaction de Kinshasa, à l’époque ayant été trop molle, pense-t-on, les Angolais se sont cru en droit de récidiver.