Les 19 pays créanciers composant le Club de Paris se sont réunis le 18 novembre pour examiner le cas de la République démocratique du Congo (RDC), après deux reports liés à la révision du très controversé contrat chinois. Ce contrat, qui hypothèque de gigantesques quantités de minerais au profit de la Chine en échange de la construction d’infrastructures en RDC, a finalement pu être révisé dans le sens souhaité par les bailleurs de fonds occidentaux représentés par le FMI. Suite à cela, l’affaire semblait réglée : le Club de Paris allait accorder les assurances financières demandées par le FMI pour conclure un nouveau programme de 3 ans avec le gouvernement congolais d’ici la fin 2009 et effacer début 2010 une partie importante de sa dette extérieure publique. Loin s’en faut ! Le Club de Paris a décidé, à son tour, de « faire chanter » la RDC en exigeant le maintien de deux contrats léonins signés avec des transnationales occidentales.
Le Club de Paris prouve une fois encore qu’il est une instance gouvernée par le Nord dans laquelle les pays du Sud ne jouent qu’un rôle de figurant. Aucun membre du gouvernement congolais n’a été invité aux discussions menées à Bercy, au ministère français des Finances où siège le Club de Paris. Ce Club se définit lui même comme une « non-institution » n’ayant pas de personnalité juridique. L’avantage est clair : le Club de Paris n’encourt aucune responsabilité quant à ses actes et ne peut donc être poursuivi en justice puisqu’officiellement, il n’existe pas ! Pourtant, ses décisions sont lourdes de conséquences pour les populations du tiers-monde car c’est en son sein qu’est décidé, de concert avec le FMI et la Banque mondiale, si un pays endetté du Sud « mérite » un rééchelonnement ou un allègement de dette. Lorsqu’il donne son feu vert, le pays concerné, toujours isolé face à ce front uni de créanciers, doit appliquer les mesures néolibérales dictées par ces bailleurs de fonds, dont les intérêts se confondent avec le secteur privé.
Le 18 novembre dernier, c’est la RDC qui en a fait les frais puisque le Club de Paris a décidé d’aller au-delà de la seule révision du contrat chinois exigée par le FMI en s’ingérant encore plus dans ses contrats miniers, domaine qui relève pourtant de la souveraineté permanente de la RDC, selon le droit international et l’article 9 de sa Constitution. Officiellement, c’est le risque d’augmentation de la dette congolaise, lié à la garantie d’Etat initialement prévue dans le contrat chinois, qui avait justifié l’ingérence du FMI dans les affaires internes congolaises. Mais en réalité, la RDC, à l’instar d’autres pays africains regorgeant de ressources naturelles, est le théâtre d’une compétition acharnée entre les pays occidentaux et la Chine, dont l’appétit ne cesse de grandir au point d’être aujourd’hui le troisième partenaire commercial pour l’Afrique derrière les Etats-Unis et la France. Le Club de Paris est donc l’instrument qu’ont utilisé les pays occidentaux, notamment le Canada et les Etats-Unis, pour exiger du gouvernement congolais qu’il revienne sur sa décision de résilier le contrat ayant donné naissance au consortium Kingamyambo Musonoi Tailings (KMT) et de réviser la convention créant Tenke Fungurume Mining (TFM) dans lesquelles les Etats-Unis et le Canada ont d’importants intérêts.
Les bailleurs de fonds occidentaux appliquent la politique du « deux poids, deux mesures » selon qu’il s’agisse d’un contrat conclu avec la Chine ou avec une entreprise occidentale. Les intérêts du secteur privé l’emportent sur les considérations de légalité et de développement puisque le caractère frauduleux de ces deux conventions a été rapporté par la Commission de « revisitation » des contrats miniers, mise sur pied en RDC en 2007 . Les Etats du Nord se servent du Club de Paris et des institutions financières internationales, où ils sont sur-représentés, comme d’un cheval de Troie pour s’accaparer les ressources naturelles du Sud. C’est le trio infernal Club de Paris – FMI - Banque mondiale qui a organisé à partir de 2002 le blanchiment de la dette odieuse de la RDC en restructurant les arriérés laissés par le dictateur Mobutu. Il s’agissait à l’époque de prêter de l’argent au gouvernement pour apurer les vieilles dettes du dictateur, permettre au gouvernement de transition de s’endetter à nouveau tout en lui imposant des politiques anti-sociales, notamment un nouveau Code minier très favorable aux transnationales. En 2009, la dette continue d’asphyxier le peuple congolais dont les droits humains fondamentaux sont piétinés pour assurer le remboursement du service de la dette. Malgré les effets d’annonce des créanciers qui promettaient une annulation de la dette congolaise, celle-ci s’élève aujourd’hui à 12,3 milliards de dollars, soit l’équivalent de la somme réclamée à la RDC au moment de la mort de Laurent Désiré Kabila en 2001… Or, cette dette est l’archétype d’une dette odieuse, nulle en droit international car elle a été contractée par une dictature, sans bénéfice pour la population et avec la complicité des créanciers. Le gouvernement congolais pourrait donc la répudier, ce qui lui permettrait de surcroît de ne plus accepter les diktats du Club de Paris.
Pour le CADTM, le chantage du Club de Paris n’est pas une surprise : cette instance illégitime est depuis sa création à la fois juge et partie. Elle doit donc être purement et simplement abolie, tout comme la dette de la RDC. En attendant, le gouvernement congolais doit suspendre unilatéralement le paiement de cette dette, à l’instar de l’Equateur en novembre 2008 et de l’Argentine qui avait décrété en 2001 la plus importante suspension de paiement de la dette extérieure de l’Histoire, pour plus de 80 milliards de dollars, tant envers les créanciers privés qu’envers le Club de Paris, et ce sans que des représailles n’aient lieu. La crise économique nécessite des actes forts et immédiats contre la dette, et au profit des peuples. Pour ce faire, les pays du Sud auraient tout intérêt à constituer un front uni pour le non-paiement de la dette.