vendredi 12 décembre 2008

Retour sur le pire massacre commis dans le Nord-Kivu en deux ans


Par Angélique Mounier-Kuhn, Le Temps

CONGO-KINSHASA. Human Rights Watch a enquêté sur la tuerie de Kiwanja, le 5 novembre. Au moins 150 Maï Maï non armés et civils ont été tués.

Anneke Van Woudenberg, chercheuse pour l'Afrique chez Human Rights Watch (HRW), n'en fait aucun mystère. Elle tenait à ce que le rapport de son investigation menée à Kiwanja, une bourgade à l'est de la République démocratique du Congo (RDC), soit précisément publié jeudi, jour de l'ouverture à Bruxelles du sommet de l'Union européenne.

Les 4 et 5 novembre derniers, alors qu'elle venait de passer le 29 octobre sous contrôle de Laurent Nkunda, le chef de la rébellion du Congrès national pour la défense du peuple (CNDP), cette commune, située à 80 km au nord de Goma, la capitale de la province du Nord-Kivu, a été le théâtre d'une contre-attaque des Maï Maï, des miliciens pro gouvernementaux.
«Les combats étaient à peine terminés que les troupes du CNDP se sont livrées à un ratissage de la ville, relate Anneke Van Woudenberg. Elles ont fait du porte à porte et exécuté sommairement, d'une balle dans la tête, au couteau ou à la machette au moins 150 personnes, des Maï Maï non armés ou des civils.»
Selon le rapport de l'ONG, fruit des entretiens menés sur place avec 130 témoins, cette tuerie constitue «le plus grand massacre dans le Nord-Kivu au cours des deux dernières années». «Il s'agit de crime de guerre, ajoute la chercheuse. On sait que le général Bosco Ntaganda, le chef d'état-major de Laurent Nkunda, recherché par un mandat de la Cour pénale internationale, était sur place le 5 novembre.»
Impuissance de la Monuc
Kiwanja, dont les environs accueillaient plus de 50000 déplacés, était pourtant considérée comme une zone de protection prioritaire par la Monuc. La force de maintien de la paix comptait 120 hommes sur place au moment du massacre. Ils ne sont pas intervenus, pas plus qu'ils n'ont agi pour empêcher la destruction systématique des six camps de réfugiés alentours. «Ils n'ont pas protégé les civils parce qu'ils n'en ont pas la capacité. Et ils ont peur d'être pris entre deux feux», insiste Anneke Van Woudenberg.
Cet épisode dramatique est emblématique du conflit qui déchire le Nord-Kivu et de l'impuissance de la Monuc. Aussi la chercheuse exhorte-t-elle les chefs d'Etat et de gouvernement européens à envoyer «de toute urgence une force de relais dans l'est de la RDC.» Cette force intérimaire, le secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon, lui-même, en a fait la demande à l'UE, en attendant que 3000 hommes de la Monuc arrivent en renfort, conformément à une résolution du Conseil de sécurité de l'ONU.
Si la question d'envoi de contingents européens ne figure pas formellement au menu du sommet de l'UE, elle devait être abordée hier soir ou ce vendredi matin. «Après le ballet de la diplomatie, il est temps que l'UE prenne une décision, conjure la chercheuse de HRW. Fini les jolis mots, place à l'action.»

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