De notre envoyé spécial Hubert Coudurier
Conscient que la situation en Afrique équatoriale, en particulier en RDC et dans la région des Grands Lacs, souffre d'instabilité chronique, Nicolas Sarkozy a adopté hier sur place le ton de l'apaisement.
Vital Kamerhe, le président de l'Assemblée nationale de la République démocratique du Congo, a démissionné à la veille de l'arrivée à Kinshasa du président Nicolas Sarkozy. Une manière de marquer son désaccord avec le président Joseph Kabila dont le père, Laurent-Désiré, débarquait en mai1997 dans les bagages de l'armée rwandaise lors de l'offensive qui mit fin au long règne du maréchal Mobutu sur l'ex-Zaïre. La famille Kabila s'était ensuite émancipée de son pesant tuteur en renvoyant les troupes rwandaises un an après leur prise de pouvoir. Ce qui ne devait pas porter chance à Laurent-Désiré Kabila, le guérillero du Katanga, assassiné en janvier2001. Malgré ses difficultés d'élocution, son fils Joseph, qui avait été chef d'état-major des Armées, se faisait élire cinq ans après avoir été désigné pour la succession (*).
Kamerhe populaire
Mais en renouant au début de l'année avec l'ancien allié rwandais, le président de la République démocratique du Congo (RDC) a inquiété une population échaudée par l'occupation étrangère. C'est contre ce pacte qui visait à nettoyer le Kivu (est du pays) des multiples factions (parmi lesquels les anciens génocidaires hutus) que s'est élevé le président de l'Assemblée. Populaire et charismatique, Vital Kamerhe, qui fut proche de Joseph Kabila dont il écrivait les discours, pourrait représenter une alternative au pouvoir en place qui a déçu. À moins qu'il ne soit lui aussi assassiné, comme certains le prédisent.
Brader le Congo
En louant lors de son discours au parlement le courage du président Kabila ayant su tendre la main au régime de Kigali, Nicolas Sarkozy aura cependant choisi son camp. Peu importe que certains lui reprochent d'avoir voulu brader le Congo pour se réconcilier avec le Rwanda. L'important était d'atténuer le courroux de Kabila après que le président français eut maladroitement appelé au partage des richesses nationales. Lesquelles prolifèrent comme chacun sait en minerais (or, diamants, cuivre, etc.).
Les réseaux Pasqua
Une fois son hommage rendu au premier pays francophone du monde (65millions d'habitants, soit légèrement plus que la France), mais aussi au géant de l'Afrique que ses classes dirigeantes pillent allègrement et avec lequel les échanges économiques français restent insignifiants, Nicolas Sarkozy s'éclipsait vers des cieux moins hostiles. De l'autre côté du fleuve, à Brazzaville, l'attendait un climat apaisé, une prospérité retrouvée après la guerre civile qui, une décennie auparavant, permit au président Denis Sassou-Nguesso de reprendre le pouvoir avec l'appui des réseaux Pasqua. À quelques mois de l'élection présidentielle, le chef de l'État français a rappelé que dans son discours du Cap, il avait annoncé le toilettage des accords de Défense permettant à la France de venir au secours des dictateurs africains en difficulté. «La France, dans aucun pays, ne soutient aucun candidat», a martelé Nicolas Sarkozy, ajoutant «mes compatriotes ne le comprendraient pas», et «les Africains ne l'accepteraient pas».
Des pratiques du passé
Profil bas donc malgré l'évocation des grandes heures du gaullisme qui fit, durant la Seconde Guerre mondiale, de Brazzaville sa capitale et le «refuge de notre honneur. et de notre indépendance». Réaffirmant sa volonté de rupture avec la «Françafrique», le président français n'en avait pas moins invité dans sa délégation Patrick Balkany et Robert Bourgi, deux symboles des pratiques du passé. Comme quoi, pour reprendre une expression célèbre de Charles Pasqua, les promesses n'engagent que ceux qui les reçoivent.
* Battu aux élections de novembre2006, son rival, Jean-Pierre Bemba, est désormais emprisonné à LaHaye par la cour pénale internationale en raison des exactions commises par ses troupes en République centrafricaine.
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