vendredi 12 décembre 2008

Le gouvernement Gizenga : un tombeau pour la République ?


Un pur hazard a placé sous mes yeux la liste des ministres d’Etat ; ministres sans portefeuille ; ministres, tout court ; et vice-ministres du premier gouvernement de la troisième République. Dans les lignes qui suivent, cinq inquiétudes, non des moindres, méritent d’être soulevées.

1. A première vue, ce gouvernement fait rire du fait de sa taille, gigantesque, il faut bien le souligner. Un gouvernement de 60 ministres, c’est du jamais vu dans un pays sérieux. Même les nations les plus riches au monde, n’affichent jamais un gouvernement aussi gorgé que celui de Antoine Gizenga.

Au moment ou le vocable réingénierie de l’Etat est de rigueur partout dans le monde, la République Démocratique du Congo, elle, s’inscrit avec force et détermination, dans la logique de lapidation des ressources du pays ; tout ça dans le seul but de satisfaire les appétits de quelques véreux politiciens, oeuvrant pour leurs propres ventres. Surtout quand l’on connaît la versatilité instinctive de la classe politique congolaise.

2. La représentativité régionale pose problème. Le grand Kasaï, avec tout ce qu’il comporte comme enjeux stratégiques, est presque absent du gouvernement, mis à part quelques figurants. Les Baluba, quasi exclus des postes de responsabilités dans toutes les institutions de la troisième République, finiront par se distancer de Kinshasa. Antoine Gizenga risque gros en termes de cohésion et d’unité nationales.

3. L’incompatibilité et l’incohérence entre ministères sont tellement visibles que l’on se demande ce que pensaient réellement le Premier ministre désigné et ses amis de l’AMP.
Ce que l’on peut appeler, dans un gouvernement classique, de ministère de l’Economie, Finances et Commerce, est divisé en sept ministères et vice- ministères inutiles. Quand à ce que l’on connaît comme ministère des Ressources naturelles, la majorité présidentielle a trouvé mieux de le scinder en quatre ministères et vice- ministères. Au Congo- Kinshasa, on parvient à faire la distinction entre ministère des Hydrocarbures et celui de l’Energie. Sic !
Et pour lier la bêtise à la sottise, l’enseignement est géré par trois ministres. Même le cardinal Armand de Richelieu ne s’était pas livré à des telles confusions, dans la formation du tout premier gouvernement de la reconstruction de la France, en 1624.

4. Antoine Gizenga nous a fait croire que quiconque aurait volé ou participé au détournement des deniers publics, ne ferait pas partie de son gouvernement. Pur mensonge et premier échec politique. Certaines personnalités présentes sur la liste, ont géré de la manière que l’on connaît, ministères et autres institutions du pays. Certains noms sont même mentionnés à l’encre rouge dans le rapport du panel de l’ONU sur les pillages des ressources naturelles du Congo.

5. Parmi les nouveautés, un vice- ministère des Congolais de l’étranger. On voit bien le souci de Kinshasa de vouloir contrôler la diaspora congolaise, vu leur activisme magistralement affiché. Si le but recherché est de travailler avec les Congolais de l’extérieur afin de baliser ensemble les pistes de cinq chantiers de la reconstruction nationale, ce poste, si symbolique qu’il soit, devrait revenir à quelqu’un de la diaspora, ayant un bon carnet d’adresses. Mais les intérêts partisans ont primé sur la raison.

Ce gouvernement constitue un véritable tombeau pour la République. Il occasionnera beaucoup de dépenses pour l’Etat congolais. Plutôt que de subvenir aux besoins du peuple dans son ensemble, il servira plus les intérêts des individualités et les différentes composantes de la majorité présidentielle.

L’incohérence et l’incompatibilité des ministères, avec quatre ou sept ministres travaillant dans le même domaine, provoqueront un désordre décisionnel et administratif de grande ampleur : le ministre de l’Energie décide, son collègue des Hydrocarbures exécute ? Le contraire ? Ou encore le vice- ministre de l’Energie ? Un véritable triangle infernal !

Le problème de la République Démocratique du Congo est d’avoir des politiciens voire même des politicailleurs à la place des politiques. Et c’est vraiment dommage que dans un si grand pays, les affaires de l’Etat soient traitées avec légèreté et complaisance.Correspondance à une amie de Lisbonne, Par Hugo Kitenge

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire